La sécurité sociale des artistes en Suisse

Etude réalisée sur mandat de Suisseculture sociale par Hans-Jakob Mosimann / Fabio Manfrin Zürcher Hochschule für Angewandte Wissenschaften, Zentrum für Arbeits- und Sozialversicherungsrecht.(2007)

La sécurité sociale des artistes doit être améliorée!

 

Les associations d’artistes tirent la sonnette d’alarme depuis des années: la majorité des créateurs qui vivent de leur art en Suisse ont de faibles revenus, une prévoyance vieillesse lacunaire et passent trop souvent à travers les mailles du filet social et même de l’assistance. La situation des créateurs est particulièrement problématique dans les domaines des arts visuels, de l’écriture et de la composition musicale car ce sont des domaines où les artistes sont le plus souvent indépendants. Leurs revenus sont très faibles.

En Suisse, les artistes indépendants sont en outre pénalisés par le système des assurances sociales, qui a été conçu pour des actifs salariés et les assure obligatoirement contre de nombreux risques. Par contre, les indépendants doivent veiller à se doter d’une couverture d’assurance suffisante, qu’ils financent eux-mêmes. Mais même pour les personnes salariées, le système peut se révéler lacunaire. C’est surtout le cas pour les personnes qui, bien qu’indépendantes, travaillent régulièrement sur mandats limités dans le temps ou qui oeuvrent pour plusieurs employeurs différents.

Les organisations culturelles suisses espéraient que la nouvelle Loi sur l’encouragement de la culture comprendrait des formulations pertinentes servant de base à l’amélioration de la sécurité sociale des artistes. Mais bien que l’Office fédéral de la culture, dans une étude réalisée par ses soins en 2007, arrive lui-même à la conclusion que la situation dans ce domaine n’est pas satisfaisante, le projet de loi tel que soumis aux Chambres ne contient malheureusement aucune proposition susceptible d’améliorer la situation.

C’est pourquoi Suisseculture Sociale et les associations culturelles ont commandité leur propre étude. Celle-ci montre très clairement où le besoin d’agir est le plus urgent et les points qui pourraient faire l’objet d’amélioration sur la base des lois actuelles.

Ces dernières décennies, la plupart des pays européens ont trouvé des solutions qui ont considérablement amélioré la sécurité sociale des artistes. Il est donc à espérer que la Loi sur l’encouragement de la culture soit aussi, sur ce point, complétée et améliorée lors du débat parlementaire.

Suisseculture s’engage avec détermination pour qu’il en soit ainsi!

Résumé de l'étude

 

Selon les données fournies par la Confédération, la situation sociale et financière typique de l’artiste indépendant en Suisse présente les caractéristiques suivantes: des revenus plutôt faibles, des durées de contrats en général limitées dans le temps et la combinaison de mandats avec statut de salarié et de mandats indépendants. Cette inhabituelle constellation s’écartant des rapports de travail «normaux» et, partant, d’un système de couverture sociale «normale», la question de la sécurité sociale, surtout par le biais des assurances sociales, revêt une importance primordiale.


Ces caractéristiques ont des conséquences sur les différents secteurs de l’assurance sociale : En ce qui concerne l’AVS, les cotisations sont prélevées tant sur les revenus des personnes indépendantes que sur ceux des personnes salariées. Les adultes n’exerçant aucune activité rémunérée sont aussi soumis à l’AVS. La prestation financière, plafonnée, résulte du revenu moyen (respectivement de la moyenne des cotisations versées) obtenu pendant les années de cotisations. Les activités dites accessoires ou les allocations non considérées comme des revenus ne donnent lieu à aucune cotisation, ce qui se révèle problématique pour la prévoyance.


L’assurance-invalidité ne se distingue pas de l’AVS en ce qui concerne le champ d’application et l’obligation de verser une cotisation. Un faible revenu a en revanche des conséquences négatives sur le degré d’invalidité fixé par l’autorité, le cas échéant. En outre, on peut se demander s’il est admissible d’obliger les artistes à accepter une autre activité pour que les coûts soient le plus bas possible, comme le veut la loi. 

 

En ce qui concerne le deuxième pilier (prévoyance professionnelle, PP), des périodes salariées et des revenus trop faibles peuvent avoir pour conséquence que les artistes ne sont pas soumis à cette prévoyance. La marge de manoeuvre est le plus souvent trop faible pour songer à un 3e pilier – prévoyance facultative et privée. Les prestations en cas d’invalidité ou de décès sont calculées sur la base des derniers revenus, qui sont souvent
faibles.


Seuls les salariés sont couverts par l’assurance accidents (AA) obligatoire. Les accidents non professionnels ne sont assurés qu’à partir d’un temps de travail de huit heures par semaine. Les prestations – notamment la compensation du salaire pendant la guérison – sont liées au dernier salaire perçu par l’assuré salarié. Les pertes de revenus perçus grâce à d’autres activités ne sont pas assurées.


Pour des raisons déjà citées, les artistes n’atteignent souvent pas le minimum de temps de travail ou le salaire minimal requis pour être couverts par l’assurance-chômage (AC). L’obligation d’accepter un emploi peut également se révéler problématique. En conséquence, de nombreux artistes sont exclus de la sécurité sociale, que leur revenune soit pas considéré comme salaire soumis à cotisation ou parce qu’ils restent en-dessous des seuils de cotisation fixés par la loi pour la durée du travail ou pour le montant du revenu. La prévoyance sociale et vieillesse se révèle insuffisante.


Le type de contrat de travail – mandat, contrat d’entreprise, contrat de donation – n’a en revanche que peu d’influence. Le statut juridique du contrat n’influence pas la manière dont l’activité est considérée du point de vue des assurances sociales et peut, dans certaines circonstances, s’en écarter. La prise en compte, ou non, du travail de l’artiste pour les assurances sociales est liée à la situation unique et concrète du travail en question. Se basant sur les propositions émises en janvier 2007 dans un rapport fédéral, l’étude formule les recommandations suivantes pour améliorer la sécurité sociale des artistes :

  • Elargissement du champ d’application des activités salariées soumises à cotisation aux contrats d’entreprise, aux prix d’encouragement et aux autres prestations financières comparables versées aux artistes.
  • Inscription des contrats d’entreprise, des prix d’encouragement et des autres prestations financières comparables versées aux artistes au titre d’activité salariée libérant de l’obligation de temps de travail minimal dans l’AC.
  • Cotisation systématique sur les revenus soumis à cotisation en lieu et place de suppression de cette obligation par le biais d’une appellation telle que «revenu accessoire» (évaluation et décisions conséquentes par les caisses de compensation AVS).
  • Soutien à une Caisse de pension spécifique dans le domaine de la culture.
  • Octroi de subventions seulement à des conditions fair-play.

l'étude (en allemand)

 

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